Leviathan
Ouvrage de philosophie politique traitant de la formation de l'État et de la souveraineté.
Important ouvrage de philosophie politique traitant de la formation de l’État et de la souveraineté. Oeuvre de Thomas Hobbes, publiée en 1651.
Notes diverses
Dans son chapitre X “De l’homme”, il commence avec une liste exhaustive de ce qui est “honorable” et de ce qui ne l’est pas.
Lors de la parution du Léviathan il est accusé d’athéisme et de déloyauté, il rencontre de nombreux adversaires (théologiens et universitaires d’Oxford, tous membres de la Royal Society).
Architecture du livre
Quatre parties : “De l’homme”, “De la république”, “D’une république chrétienne” et “Du royaume des ténèbres”. Se distribuant sur 47 chapitres.
Partie 1: De l’homme
Les hommes se différencient les uns des autres et deviennent mutuellement étrangers. Les voilà d’autant moins en mesure de former naturellement une communauté. Pire, ils peinent à se reconnaître réciproquement et sont saisis d’une défiance qui transformera l’état de nature en état de guerre de chacun contre chacun. (Hobbes, Léviathan, Flammarion 2017, préface de Philippe Crignon)
La première partie comporte ainsi deux grands temps: d’une part douze chapitres dédiés à l’anthropologie, d’autre part trois chapitres consacrés à étudier la coexistence des hommes et les lois morales qui s’imposent à eux. Le dernier, véritable innovation de l’ouvrage, développe la théorie de la représentation qui permet de concevoir comment une multitude peut se muer en une personne collective singulière. (Hobbes, Léviathan, Flammarion 2017, préface de Philippe Crignon)
Partie 2 : De la république
Cette première partie fournit à la deuxième les conditions nécessaires pour rendre compte de la fondation de l’Etat à partir des deux processus conjoints du dessaisissement des droits et de l’autorisation. Dans les chapitres suivants, Hobbes en déduit les doits et les prérogatives de l’autorité suprême. Son pouvoir ne peut être que souverain, c’est-à-dire absolu et illimité. A ceux qui sont terrifiés par cette perspective, Hobbes rapelle opportunément non seulement qu’ils seraient en pire situation en l’absence d’un tel pouvoir - la guerre cibile l’a montré -, mais aussi que rien n’oblige à ce que la souveraineté soit entre les mains d’un seul. Aux yeux de Hobbes, un peuple peut bien être souverain, en vérité ; la décision majoritaire aura le même caractère impératif et la même légitimité que s’il s’agissait d’un monarque. Pour faire comme contrepoids à cette thèse radicale, Hobbes insiste également, et sans contradiction, sur l’étendue des droits et des libertés des sujets, ainsi que sur ce que’on pourrait appeler l’Etat de droit, qui a vocation à être le régime ordinaire de la politique. L’exercice de la souveraineté doit en effet être aussi bien loyale que légale. Il passe normalement par la loi qui définit le cadre et l’extension de la liberté des particuliers. L’importance de la loi, ainsi, n’est pas moins essentielle du fait que le souverain peut exceptionnellement s’en exempter en toute légitimité. (Hobbes, Léviathan, Flammarion 2017, préface de Philippe Crignon)
Partie 3 : D’une république chrétienne
Hobbes a rédié la troisième partie après avoir constaté que l’autorité de l’Etat n’est jamais aussi affaiblie que pr les revendications religieuses ou cléricales. Des groupes confessionnels placent la loi de Dieu au-dessus de la loi civile. Il y a là l’apparence d’une cohérence. En effet, au premier abord, il peut paraître logique d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. depuis Jean de Salisbury jusqu’à la scolastique tardive (Suarez) et les monarchomaques (François Hotman, Philippe Duplessis-Mornay), l’idée s’est répandue qu’un magistrat suprême devait se conformer à la loi divine sous peine de perdre son autorité. Hobbes s’oppose à cette thèse dans le Léviathan. La substance de son argument est double. La première consiste à aller sur le terrain même des croyants, celui de la religion : où et comment parle Dieu ? Rarement de manière directe - et alors cette inspiration surnaturelle n’a aucune autorité sociale ou politique -, mais presque toujours par des intermédiaires : des livres, des prophètes, des institutions. Tout cela est très humain. La vraie question n’est donc pas de savoir s’il faut obéir à Dieu. Telle est la seconde partie de l’argument : lorsqu’un groupe religieux initie une démarche séparatiste ou séditieuse au nom de Dieu, non seulement il substitue son propre jugement à celui de Dieu lui-même, mais il va à l’évidence contre la volonté divine qui ne saurait consentir à ce que les hommes s’entretuent. L’obéissance à Dieu passe donc nécessairement par l’obéissance à l’autorité civile, garante de la coexistence pacifique entre les hommes, qu’a voulue Dieu. (Hobbes, Léviathan, Flammarion 2017, préface de Philippe Crignon)
Partie 4 : Du royaume des ténèbres
Dans sa dernière partie, le Léviathan examine pourquoi les hommes se sont, au fil du temps, égarés si loin des précepts de la raison morale et politique. Hobbes y entreprend une archéologie culturelle chargée de détecter les forces historiques qui ont contribué à brouiller la clarté de la raison. Y son incriminés les stratagèmes ecclésiastiques comme la philosophie elle-même, ou plutôt les philosophes plus enclins à impressionner le peuple par l’apparence d’un savoir complexe qu’à chercher la vérité. (Hobbes, Léviathan, Flammarion 2017, préface de Philippe Crignon)
Notes de lecture (Hobbes, Léviathan, Flammarion 2017, ISBN 9782081395497)
Préface de Philippe Crignon
[…] Hobbes soutient que la philosophie civile est si jeune qu’elle date très exactement de son précédent ouvrage, le traité Du citoyen (De cive, 1642-1647). Par là, il tenait à inscrire son oeuvre non pas uniquement dans l’histoire de la pensée politique, mais aussi au coeur de la révolution scientifique qui se produit au 17e siècle.
Prenons l’idée novatrice que l’Etat est animé par une volonté propre, qui est la volonté de tous et de chacun représentée par le souverain. Jamais avant Hobbes une telle affirmation n’avait été tenus.
A certains égards, l’oeuvre politique de Hobbes répond au contexte spécifique de l’Angleterre du 17e siècle, au point que l’on a pu faire du Léviathan un “libelle politique partisan, quoique vaste et ambitieux”. Quoi de commun entre cette époque prérévolutionnaire, marquée par le triomphe des monarchies absolues et secouée par des guerres civiles et des trouve religieux, et la nôtre ?
Nous vivons, pensons, décidons, réussissons et échouons aujourd’hui grâce à - ou à cause - des catégories que nous avons collectivement reçues et adoptées comme un legs. Et Hobbes ne compte pas pour rien dans cette transmission. Revenir à lui, c’est aussi élucider nos propres conditions de pensée et de pratique politique.
Il n’est qu’à comparer l’oeuvre du philosophe français Jean Bodin (1530-1596) et celle de Hobbes pour saisir tout ce qui les sépare et combien le second ne se content pas de raffiner le concept de souveraineté que le premier avait érigé en principe.
Tout le Léviathan est construit autour de la fondation consentie de l’autorité souveraine. Car en étudiant la nature de l’homme, Hobbes est d’abord conduit à remettre en question la sociabilité naturelle que toute la tradition lui reconnaissait depuis le 4e siècle av. J.-C. et les thèses aristotéliciennes.
Dans les Elements de la loi naturelle et politique (1640) puis dans le traité Du citoyen, Hobbes avait pris conscience de ce qu’un pacte de soumission était insuffisant : on ne peut en effet transmettre au futur souverain ni ses droits (il a déjà un droit naturel illimité), ni sa volonté (elle ne se communique pas), ni sa force (elle ne se transfère pas réellement). S’engager à obéir à un homme ou à une assemblée qui n’ont pas les moyens de se faire obéir est logiquement nul et non avenu. C’est la raison pour laquelle Hobbes a développé sa théorie de la représentation dans le chapitre 16 du Léviathan, chapitre clé de l’ouvrage.
Au terme du Léviathan, Hobbes a ainsi profondément refondé les liens entre la philosophie et la politique en ajustant sincèrement, cette fois, la philosophie à son objet, les droits et les devoirs respectifs des souverains et des citoyens.
Chapitre X Du pouvoir, de l’importance, de la dignité, de l’honneur et de la qualification
Les actions qui procèdent de l’équité et s’accompagnent d’une perte sont honorables, en tant que signes de grandeur d’âme ; car la grandeur d’âme est un signe de pouvoir. Au contraire, l’astuce, les expédients, l’oubli de l’équité sont peu honorables.