Massacre de la Saint-Barthélemy
Massacre des protestants par les catholiques en France, déclenché dans la nuit du 24 août 1572 et qui s'étendit jusqu'au 30 août, marquant un tournant dans les guerres de religion françaises.
Le massacre de la Saint-Barthélemy est l’un des épisodes les plus sombres des guerres de religion en France. Déclenché dans la nuit du 24 août 1572 à Paris, il s’étendit jusqu’au 30 août et fit plusieurs milliers de morts parmi les protestants (huguenots). Cet événement marque un tournant décisif dans l’histoire des conflits religieux français du XVIᵉ siècle.
Contexte historique
Depuis 1562, la France est déchirée par les guerres de religion opposant catholiques et protestants. Le mariage d’Henri de Navarre (futur Henri IV) avec Marguerite de Valois, célébré le 18 août 1572, visait à réconcilier les deux camps. Mais le climat reste tendu.
Le 22 août 1572, l’amiral Gaspard de Coligny, chef du parti protestant et conseiller influent du roi Charles IX, est victime d’une tentative d’assassinat. Bien qu’il survive, l’attentat exacerbe la méfiance des protestants et accélère les décisions violentes à la cour. Les contemporains et les historiens divergent sur le rôle exact de Catherine de Médicis, mère du roi, mais son implication dans la décision d’éliminer les chefs protestants est largement retenue par la tradition historique (Denis Crouzet, La nuit de la Saint-Barthélemy, Fayard, 1994).
Le déroulement du massacre
La nuit du 24 août 1572
Dans la nuit de la Saint-Barthélemy, les hommes du duc de Guise pénètrent chez Coligny et l’assassinent. Son corps est défenestré, mutilé et exhibé. Cet acte déclenche le massacre des chefs protestants rassemblés à Paris pour le mariage princier, puis d’une grande partie de la population huguenote de la capitale.
Les estimations varient, mais les historiens s’accordent sur 3 000 à 10 000 victimes à Paris (Jean-Louis Bourgeon, La Saint-Barthélemy, Gallimard, 1979).
L’extension en province (25–30 août)
Le massacre s’étend rapidement à plusieurs grandes villes françaises, souvent avec l’accord ou la passivité des autorités locales :
- Orléans : 1 000 à 2 000 victimes
- Lyon : 800 à 1 000 victimes
- Rouen : 500 à 1 000 victimes
- Toulouse : 300 à 500 victimes
- Bordeaux : 200 à 300 victimes
(Source : Janine Garrisson, La Saint-Barthélemy, les mystères d’un crime d’État, Seuil, 2009).
Les conséquences
- Politiques : Fin de toute tentative de conciliation. Charles IX assume le massacre dans un discours au Parlement de Paris le 26 août, en le présentant comme une mesure préventive.
- Religieuses : Les protestants se radicalisent, beaucoup choisissent l’exil vers Genève, l’Angleterre ou les Provinces-Unies.
- Internationales : L’événement scandalise l’Europe protestante. En Angleterre, Élisabeth Iʳᵉ reçoit la nouvelle avec horreur ; aux Pays-Bas, il renforce l’insurrection contre l’Espagne.
- Historiques : Le massacre relance les guerres de religion, jusqu’à l’avènement d’Henri IV et l’édit de Nantes (1598).
Impact sur la pensée politique
La Saint-Barthélemy illustre la fragilité du pouvoir royal face aux factions religieuses. Elle nourrit la réflexion sur la tolérance et sur les limites de l’autorité souveraine. Des penseurs comme Michel de L’Hospital (discours sur la tolérance, 1560) et, plus tard, Jean Bodin (Les Six Livres de la République, 1576) abordent ces thèmes. L’événement résonne aussi dans les écrits des monarchomaques protestants, qui justifient la résistance contre les rois tyranniques (François Hotman, Franco-Gallia, 1573).
Sources principales (françaises)
- Denis Crouzet, La nuit de la Saint-Barthélemy, Fayard, 1994.
- Janine Garrisson, La Saint-Barthélemy, les mystères d’un crime d’État, Seuil, 2009.
- Jean-Louis Bourgeon, La Saint-Barthélemy, Gallimard, coll. « Découvertes », 1979.
- Arlette Jouanna, La Saint-Barthélemy, les mystères d’un massacre, Gallimard, 2017.
- Discours de Charles IX au Parlement de Paris (26 août 1572), reproduit in : Jules Michelet, Histoire de France, t. IX, 1855.