Contractualisme
Le contractualisme (ou théorie du contrat social) est un courant de philosophie politique datant du 17e siècle qui pense l'origine de la société et de l'Etat comme un contrat originaire entre les humains, par lequel ceux-ci acceptent une limitation de leur liberté en échange de lois garantissant la perpétuation du corps social.
Synthèse GPT
Origines
Le contractualisme est une doctrine philosophique et politique qui pense l’origine et la légitimité du pouvoir politique à partir d’un contrat entre les individus. Ce contrat — réel ou fictif — sert à expliquer pourquoi les hommes acceptent d’obéir à une autorité commune.
On en trouve déjà des ébauches :
- Sophistes grecs (Vᵉ-IVᵉ s. av. J.-C.) : Protagoras ou Lycophron évoquent des accords entre hommes pour échapper à la violence naturelle.
- Épicuriens (IIIᵉ s. av. J.-C.) : Lucrèce dans De rerum natura explique que les hommes ont institué des lois pour vivre en sécurité.
Sources : Jean-Jacques Chevallier, Les grandes œuvres politiques, Paris, Armand Colin, 1949 ; Émile Bréhier, Histoire de la philosophie, PUF, 1938.
Temps modernes : naissance du contractualisme
Le contractualisme prend sa forme systématique au XVIIᵉ siècle dans un contexte de guerres civiles et de crises religieuses.
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Thomas Hobbes (1588-1679)
- Œuvre clé : Leviathan (1651).
- Idée : dans l’état de nature, règne la guerre de tous contre tous. Pour survivre, les individus passent un contrat et cèdent tous leurs droits à un souverain absolu.
- C’est un contractualisme absolutiste. Source : Thomas Hobbes, Leviathan, 1651.
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John Locke (1632-1704)
- Œuvre clé : Two Treatises of Government (Second traité du gouvernement civil, 1690).
- Idée : l’état de nature est relativement pacifique, mais l’homme manque de sécurité. Le contrat établit un gouvernement limité, garant des droits naturels (vie, liberté, propriété).
- C’est un contractualisme libéral. Source : John Locke, Second Treatise of Government, 1690.
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Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
- Œuvre clé : Du contrat social (1762).
- Idée : l’homme est naturellement libre mais devient esclave dans la société. Le contrat doit reposer sur la volonté générale, et non sur l’intérêt particulier.
- C’est un contractualisme démocratique. Source : J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1762.
XVIIIᵉ-XIXᵉ siècles : diffusion et critiques
- Le contractualisme nourrit les révolutions américaine (1776) et française (1789), qui proclament les droits naturels et la souveraineté du peuple.
- Emmanuel Kant (1724-1804), dans Métaphysique des mœurs (1797), reprend l’idée du contrat, mais comme idéal régulateur, non comme fait historique.
- Hegel (1770-1831) critique le contractualisme : la société et l’État ne résultent pas d’un contrat volontaire, mais d’une histoire objective (voir Principes de la philosophie du droit, 1821).
Sources : Kant, Die Metaphysik der Sitten, 1797 ; Hegel, Grundlinien der Philosophie des Rechts, 1821.
XXᵉ siècle : renouveau
Après une relative éclipse au XIXᵉ siècle, le contractualisme revient au premier plan :
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John Rawls (1921-2002), A Theory of Justice (1971).
- Introduit l’expérience de pensée du « voile d’ignorance » : les individus choisiraient les principes de justice sans savoir quelle position ils occuperont dans la société.
- Donne naissance au contractualisme contemporain.
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Réponses et critiques :
- Robert Nozick (1938-2002), Anarchy, State, and Utopia (1974), défense d’un État minimal.
- Jürgen Habermas (1929- ), Théorie de l’agir communicationnel (1981) et Droit et démocratie (1992), qui déplace l’idée de contrat vers la délibération démocratique.
Sources : Rawls, A Theory of Justice, Harvard University Press, 1971 ; Nozick, Anarchy, State, and Utopia, Basic Books, 1974 ; Habermas, Faktizität und Geltung, 1992.
Repères synthétiques
- Antiquité : Sophistes, Épicuriens.
- XVIIᵉ s. : Hobbes (Leviathan, 1651).
- XVIIᵉ s. : Locke (Second traité, 1690).
- XVIIIᵉ s. : Rousseau (Contrat social, 1762).
- XVIIIᵉ-XIXᵉ s. : Kant (1797), Hegel (1821).
- XXᵉ s. : Rawls (Theory of Justice, 1971) et débats contemporains.